Vous voulez connaitre ma vie . Soit, c’est votre droit, mais je n’aime pas la raconter … Bon comme vous m’êtes sympathique je vais faire un effort.

Quand j’ai vu le jour le monde n’était déjà plus celui que vous connaissez. Les Âmes avaient depuis bien longtemps pris le contrôle de notre planète. Je ne sais donc, du passé de la terre, que ce que mon père et ma mère ont bien voulu m’en dire. Mes parents … Parlons-en. Ils ne faisaient pas partie des rebelles, ils savaient que d’autres humains subsistaient et s’organisaient pour lutter contre la domination des Âmes, mais ne se sont jamais décidé à aller grossir leur rang. Pourquoi ? La première raison était celle que mon père me rabâchait sans cesse, même si ce n’était pas la plus évidente. Pour lui plus on était nombreux, plus on attirait l’attention et on risquait de se faire prendre à tout moment. Enfant cette raison me suffisait et justifiait, à mes yeux, notre vie en solitaire. Il ne me serait jamais venue à l’idée que mes parents évitaient la compagnie des autres humains par peur de leur réaction lorsqu’ils verraient ma mère. Aujourd’hui je sais qu’aucun humain ne lui aurait fait du mal, elle n’était ni la première et ne sera pas la dernière Âme à avoir quitté la société paisible des siens après s’être entichée d’un humain, mais ça … Mon père ne l’a jamais su.

J’ai donc grandis avec mon père, un humain tout ce qu’il y a de plus banal et ma mère, une Âme expatriée. J’ai passé mon enfance à voyager d’un lieu à un autre. Nous restions rarement plus de deux semaines au même endroit. Certains penseraient que ce doit être traumatisant pour une enfant, toujours être en mouvement, ne pas avoir d’attaches … En réalité je n’ai jamais eu peur pour moi. Ma mère me disait toujours que nous vivions ainsi pour mon père, elle me racontait que si jamais les siens venaient à nous trouver ils ne m’auraient fait aucun mal car elle si serait opposée, par contre ils auraient transformé mon père en Âme. C’est pourquoi nous ne pouvions nous permettre de les laisser nous prendre. Je ne sais pas si elle avait raison, mais au moins ses paroles avaient le don de m’apaiser, du moins partiellement.

Mais la vie ne pouvait continuer ainsi, notre fuite n’avait que trop durée et plus les années passaient plus le danger nous semblait obsolète. Nous prenions confiance en nous, nous devenions sûres de notre force et c’est ce qui a causé notre perte … Du moins celle de mes parents.

Un jour, comme tant d’autres, mon père nous a laissés seul ma mère et moi pour aller voler de quoi nous nourrir. Les heures passaient sans que l’on s’inquiète, puis les heures sont devenus un jour, puis deux et plus le temps filait plus une angoisse sourde montait en nous. Finalement à l’aube du troisième jour ma mère ma prise par les épaules et m’a regardé avec sérieux, j’avais alors tout juste quinze ans et pourtant je me souviendrais toujours de ses mots.

-« Kristal, ce que l’on redoutait est arrivé. Papa va revenir, mais il ne sera plus le même. Tu te souviens du château . Quand papa reviendra je veux que tu partes, va au château, trouve tu’as vrai famille. »

Je n’ai rien dit, il n’y avait rien à dire. Depuis mon dixième anniversaire chaque fois que mon père partait ma mère me parlait du château et de ceux qu’elle nommait ma « vrais famille », des humains, des rebelles. Jusqu’à ce jour j’avais toujours trouvé ça idiot, papa et elle me protégeait, je n’avais pas envie de rejoindre ses gens qui m’étaient inconnus, mais ce jour j’ai compris … Ce qu’elle m’avait dit lorsque j’étais enfant ne s’appliquait plus, elle ne pouvait plus me protéger. Alors quand mon père et revenus vers nous en compagnie de Traqueur, j’ai fui. Ils se sont lancés à ma poursuite, mais une seconde trop tard, j’avais de l’avance sur eux et je leur ai échappé. Quand enfin je me suis sentie en sécurité et que j’ai cessé de courir ma tristesse m’a assaillie. Mon père n’était plus et bientôt ma mère ne le serait plus. Il ne la tuerait pas, une Âme ne fait jamais sciemment de mal à une autre, mais il l’implanterait dans un autre corps, peut être sur une autre planète et se débarrasserait de son corps actuel le pensant défectueux. Je ne sais combien de temps je suis resté roulé en boule sur le sol à pleurer, mais lorsque je me suis enfin relevé le soleil se levait à l’horizon. Déterminée je me suis mise en route.

Si j’ai bien compté les jours il m’a fallu un peu plus d’une année pour rallier ce château dont ma mère m’avait tant parlé. Une année où j’ai passé à errer en solitaire, volant de si de là de quoi subsister. Il m’est bien arrivé de croiser la route de quelque Âme, mais ça c’est souvent terminé en fuite de ma part. Arrivée aux abords du château j’ai longtemps hésité, trainant aux alentours sans jamais approché, puis finalement la solitude à deux raisons de mes dernières réticences. Ma mère avait raison, des humains vivaient là. Il m’a fallu leur prouver que je n’étais pas une Âme, chose plutôt facile en soi le plus difficile par contre a été de faire une place au sein de leur groupe. Ça fait maintenant trois années que je vis à leur côté et pourtant il m’arrive encore la nuit de me réveiller en me demandant ou je suis et de chercher ma mère et mon père … Il me faudra encore du temps pour panser mes blessures.